Interview : CASSANDRO, le CATCHEUR GAY !

CINÉMA

Au Mexique, la lucha libre [équivalent du catch] est un sport national presque aussi important que la religion. Dans ce milieu forcément très machiste, une figure connue dans le monde entier vient botter les fesses aux préjugés. De son vrai nom Saúl Armendáriz, le brushing impeccable et les tenues toujours démentes, à 48 ans et trente ans de carrière, ce Liberace du ring, ouvertement gay, est au cœur du documentaire de Marie Losier qui sortira en salle le 5 décembre…

Ce qui frappe dans ce documentaire c’est que, très tôt, vous dites avoir été discriminé en raison de vos préférences sexuelles…

Mon enfance, entre El Paso au Texas et Juárez au Mexique, a été effectivement très difficile. J’ai connu beaucoup de discriminations parce que j’étais trop efféminé. J’ai été abusé mentalement, physiquement et sexuellement, dès l’âge de sept ans. Je me disais que quelque chose ne tournait pas rond avec moi.

Au collège aussi, c’était très dur. J’étais solitaire et avais peu d’amis. Heureusement, je pouvais compter sur l’amour inconditionnel de ma mère. Elle m’a beaucoup aidé et me disait : « Tu es différent mais ce n’est pas grave. Respecte-toi et donne le meilleur de toi-même ».

Est-ce que vous avez été attiré par le catch pour son côté « homo-érotique »?

J’ai commencé à regarder, très jeune, la lucha libre à la télévision. J’étais intrigué par ces masques et ces costumes. À dix ans j’ai assisté à mes premiers shows. En voyant tous ces mecs aux corps magnifiques et couverts de sueur, j’avais l’impression d’entrer dans un bar gay !

“Je veux montrer que chacun peut être qui il a envie d’être”

 

 

 

Avez-vous trouvé rapidement votre place auprès des autres luchadors ?

La lucha libre demeure un environnement très macho. Le Mexique n’était pas ouvert d’esprit et peu d’entraîneurs voulaient s’occuper de moi. Mais, d’un autre côté, je n’ai jamais tenté d’être quelqu’un d’autre. Aussi, c’était dur de se faire accepter. Mais j’étais déjà ce que je suis aujourd’hui : flamboyant et ultra-gay !

Vous êtes le premier « exótico » ouvertement gay. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces drag-queens du ring ?

Les exóticos existent depuis les années quarante. À la base, il s’agissait d’hétéros qui avaient un côté clownesque et souvent très vulgaire. Leur but était de faire rire en se travestissant ou en portant des tenues extravagantes. Certains étaient gays mais, par peur, ils restaient au placard. Quand j’ai commencé, en 1988, j’ai d’abord dû monter sur le ring en homme et en portant un masque. Je me faisais appeler Mister Romano. Ce n’est que six mois plus tard que j’ai eu l’opportunité de rejoindre les exóticos. C’était le moment où jamais. Tout le monde savait que j’étais gay mais j’ai vécu ce jour-là comme s’il s’agissait de mon coming out.

Comment avez-vous créé Cassandro ?

Son nom est un hommage à une prostituée et danseuse burlesque de Tijuana. Elle s’appelait Cassandra. Elle utilisait l’argent qu’elle gagnait pour aider, par exemple, les enfants des rues. Cette histoire m’a plu, aussi j’ai décidé de prendre le nom de Cassandro. J’ai beau être gay, c’était plus facile de prendre un prénom masculin ! Je me suis aussi nourri de beaucoup d’actrices, de chanteuses et de personnalités comme Lady Di, Hillary Clinton… Et aussi d’un chanteur comme Juan Gabriel, très populaire au Mexique. On disait qu’il était gay et j’avais envie d’être aussi fabuleux que lui !

“En voyant tous ces mecs aux corps magnifiques et couverts de sueur, j’avais l’impression d’entrer dans un bar gay !”

Est-ce que votre succès a contribué à une plus grande visibilité pour les LGBT ?

Même s’il a fallu m’imposer, et subir des remarques homophobes, ma carrière parle d’elle-même [rires] et je sais que je donne de l’espoir aux gens. Ils peuvent se dire qu’un jour ils pourront sortir, comme moi, du placard et que ça ne leur posera aucun problème. Je veux montrer que chacun peut être qui il a envie d’être.

On sent que la réalisatrice veut percer votre carapace pour montrer que, derrière les paillettes et l’image publique, il y a beaucoup de douleur mais également une lutte pour ne pas replonger dans les addictions.

Comment avez-vous vécu cette mise à nu ?

Marie Losier est plus qu’une réalisatrice. Elle est devenue une amie. Elle m’a aidé à m’ouvrir et à parler de mes combats intérieurs. Même si c’était dur pour moi, je savais qu’il fallait que j’en parle car c’est ce qui allait donner de la force au documentaire. Il fallait que les gens voient mon « vrai moi ».

À un moment de ma vie, je n’ai plus su comment affronter les agressions que j’avais subies dans ma jeunesse. Je suis tombé dans la drogue et l’alcool, comme de nombreux lutteurs d’ailleurs. J’étais alors comme Wonder Woman. J’oubliais mes douleurs et mes problèmes. Mais ce n’était pas la réalité. Avec l’aide de professionnels, j’ai pu remonter la pente. Avant de découvrir qui j’étais réellement, j’ai d’abord dû comprendre qui je n’étais pas !

Vous dites « Mon corps me dit d’arrêter mais mon ego me dit de continuer ». Vous êtes un peu masochiste, non ?

Je me suis maltraité pendant toutes ces années et, aujourd’hui, j’en subis les conséquences. J’ai connu des douleurs physiques mais aussi émotionnelles. J’ai subi de nombreuses opérations dues à de graves blessures. Je sens que je dois ralentir pour aller mieux. Mais si Saul veut mon bien, pour me sauver, Cassandro, mon personnage, veut me tuer. Car c’est une « bitch » pleine d’ego [rires] ! Cassandro aime être la star du show !

+ D’INFOS

Cassandro, the Exótico ! [Tamara Films / Tu vas voir]
Sortie en salle le 5 décembre.
www.urbandistribution.fr

 

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