OSCAR WILDE – ANATOLE TOMCZAK- Le plus célèbre des portraits enfin restauré !

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En traduisant le manuscrit original du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, Anatole Tomczak nous offre la véritable version du roman tel que l’auteur l’avait conçu. Une belle réhabilitation pour un chef-d’œuvre expurgé et transformé au fil des ans et des parutions. Rencontre avec un passionné de littérature.

Pouvez-vous nous parler de vous ?

J’ai 24 ans, je suis Parisien d’origine, après des études littéraires, j’ai fait l’ENS. En 2ème année, j’ai été pris en stage aux éditions Grasset pour être l’assistant éditorial de Charles Dantzig. Un job qui a duré un an. Ensuite on m’a confié de vrais travaux de plume. J’ai d’abord traduit de l’allemand un recueil de chroniques de mode d’un architecte autrichien nommé Adolf Loos. Puis on m’a proposé de traduire une version inédite du Portrait de Dorian Gray.

Comment est apparue cette nouvelle version ?

Il aura fallu attendre 2011 pour que les Anglais sortent cette première version très différente de la version que tout le monde connaît, à la fois plus courte et non censurée. La version connue était une version augmentée de 6 chapitres, mais censurée et caviardée de toute part par un éditeur américain qui l’avait publiée en feuilleton dans un magazine. Il est intéressant de noter que lorsque Wilde a repris le roman pour y ajouter ces chapitres, il a conservé la censure, s’imaginant sans doute que c’était une moindre précaution. Il avait raison puisque même censuré, Dorian Gray sera utilisé cinq ans plus tard lors du procès, afin de servir de preuve de l’homosexualité – même si le terme n’existait pas encore… On parlait « d’outrage à la pudeur ».

Dorian Gray a-t-il été écrit avant ou après la rencontre avec Lord Alfred Douglas ?

C’est incroyable, mais il l’a écrit avant. Pourtant, on jurerait que Lord Alfred a servi de modèle à Dorian. Cela a sans doute contribué au coup de foudre. Wilde rencontrait son personnage en chair et en os. Pourtant il savait que son talon d’Achille était la beauté. Il l’avait écrit. Il savait aussi que c’était un idéal dangereux, puisque tout Dorian Gray parle de la tragédie de la beauté, de son côté vain et en même temps irrésistible. La citation la plus connue de Wilde provient d’ailleurs de ce livre : « Le seul moyen de se défaire d’une tentation, c’est d’y succomber ».

Aviez-vous lu le roman avant de travailler sur cette traduction ?

Oui, et je le trouve éblouissant. Cet art de suggérer sans expliciter. D’ailleurs, je tiens à le préciser, il ne faut pas s’attendre avec cette version à un roman érotique. Ce qui est passionnant, c’est de voir que la première intention de Wilde était que la nature homosexuelle des sentiments soit explicite. Par exemple cette scène où Basile fait une déclaration à Dorian, lui disant texto : « Je t’aime, je n’ai jamais aimé aucune femme. » Ou la description du portrait, bien plus chargée érotiquement. Cela montre le courage de Wilde car on l’a souvent renvoyé à une image frivole de mondain un peu étourdi, qui fera dire plus tard à certains que finalement s’il lui était arrivé tant de malheurs c’était parce qu’il était inconséquent. Certes il avait un caractère gai, féérique, qui l’empêchait de croire que la vie puisse un jour le frapper, mais il n’était pas inconséquent.

Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray non censuré. Traduction d’Anatole Tomczak.

Les Cahiers rouges, Grasset.

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