Elisa Tovati a publié la semaine dernière son cinquième album. Un disque aux sonorités modernes qui met en relief plusieurs aspects de sa carrière, de sa personnalité et qui lui permet de poursuivre son chemin dans la chanson ! Entretien avec celle qui a commencé sa carrière il y a de nombreuses années, par la télévision.
Propos recueillis par Damien Guignard
« C’est dur quand on vous dit que vous n’êtes pas dans la normalité, dans ce qu’on attend de vous »
Vous êtes peu connue du grand public, et pourtant vous avez une carrière bien remplie !
Il y a beaucoup de propositions d’albums, d’artistes, de films qui sont fait au grand public, tout le monde ne peut pas être connu. Il faut des succès. J’ai eu des succès au cinéma (99 francs, La vérité si je mens) et dans la musique (Il nous faut, en duo avec Tom Dice). J’en suis très chanceuse. J’ai fais des choses qui marchent, d’autres qui ne marchent pas. Mais la réussite, ça ne peut pas être mon unique but, la popularité non plus, sinon je serais influenceuse, instagrameuse…
Cinéma, théâtre, musique, quelle est l’activité que vous préférez ?
J’aime varier ! Je déteste rester trop longtemps dans une même activité. Je suis toujours contente de commencer quelque chose et d’arrêter. Je commence un tournage pour TF1, j’en suis très contente car ça faisait un an que j’étais sur l’album. Je travaille sur tous les aspects d’un projet (trouver les auteurs, compositeurs, faire la pochette du CD…). Plus je peux varier les activités, plus je suis contente.
On a beaucoup parlé de vous dans les médias dernièrement suite à l’épisode du restaurant. Vous pouvez nous en dire plus ?
Le titre La Machine est une chanson très forte qui traite du fait que parfois la société peu vous broyer, vous abimer. On voit souvent dans les médias des gens qui font des burn-out, qui ont craqué. J’ai eu un moment où ça été dur. Quand on vous dit que vous n’êtes pas dans la normalité, dans ce qu’on attend de vous. On a beau se sentir nul, se sentir seul, parfois il faut casser la machine. C’est pour ça qu’on a fait ce clip. J’ai écrit le scénario de ce clip, on a casté les comédiens, acheté du matériel.
On voit dans les médias que des gens se font agresser dans les rues, personne ne fait rien, mais on voit des vidéos de l’agression. C’est juste incompréhensible. Je voulais que ça ressorte dans le clip, le dénoncer !
Le clip de La Machine, a déjà été vu plus de 210 000 fois sur Youtube. Est-ce que ce « pétage de câble » comme c’est écrit sur internet, est finalement une bonne stratégie de communication ?
Je ne sais pas si c’est une bonne stratégie. Je pense qu’il y a eu des violences et des méchancetés. Et des gens derrière leur écran continuent. J’ai été victime de ce que je dénonce. Je voulais casser la machine, et cette machine est venue pour me casser. Ça sert très bien le propos finalement …
Vous parlez dans ce titre, des pressions que peut ressentir une artiste de 40 ans. Quelles sont-elles exactement ?
Je me suis servie de mes amis artistes, de ce que j’ai pu entendre, moi ou dans les médias, de ce qu’on m’a dit. L’image un peu « floue », « ça serait un tube, mais pas chanté par toi » oui ça existe ! je voulais qu’on le sache.
« On est dans une société du culte du rentable et de la performance. C’est normal d’avoir envie de tout casser. »
Est-ce qu’on vous a déjà fait comprendre que vous n’étiez pas assez bien, pas assez talentueuse ou bien pas assez « rentable » ?
Plus ou moins, mais je ne parle pas que de moi. Je parle des gens autour de moi, c’est un propos plus général. Une souffrance de la société, dans n’importe quel domaine, n’importe quelle personne. On dit tout le temps que les gens ne sont pas assez bons, ne sont pas assez bankable. On est dans une société du culte du rentable et de la performance. C’est normal d’avoir envie de tout casser.
« Un endroit où on pourrait être amoureux de qui on veut, sans jugement. ça serait l’endroit parfait ! »
Une de vos chansons s’appelle « Rainbow Island » et fait référence au Drapeau LGBT. Quel message souhaitez-vous passer ?
Je ne veux faire passer aucun message. C’est juste que cet endroit je l’imagine sans préjugé. Cette île ça serait l’endroit parfait ! Un endroit où on pourrait être amoureux de qui on veut, sans jugement.
« Si vous êtes homosexuel ça ne va pas ! Si vous êtes noir ça ne va pas ! Si vous êtes de telle religion ça ne va pas ! On prend cher ! Tous les jours ! »
Mon coup de cœur sur votre dernier album est « Le Soufre ». Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
J’adore cette chanson ! C’est très imagé, cet album parle de battement de cœur. Là c’est le cœur qui se consume, qui brûle d’amour et de trop de souffrance. C’est un texte fort qui m’a beaucoup plu, où je pouvais laisser place à l’interprétation avec le métier de comédienne. C’est un cri du cœur ! Je chante cette phrase : « Putain ce qu’on prend cher » ! Si vous êtes homosexuel ça ne va pas ! Si vous êtes noir ça ne va pas ! Si vous êtes de telle religion ça ne va pas ! On prend cher ! Tous les jours !
Pourquoi avoir choisi ce nom pour ce nouvel album ? « Le cœur est la locomotive des filles émotives ». Vous n’avez pas peur d’exclure la partie masculine du public ?
Je parle de moi, j’aime bien quand je suis dans un clip ou dans un film, prendre du recul, un autre point de vue. Je fais partie des filles émotives, toutes les émotions que j’ai à l’intérieur de moi. Je vais faire une surprise avec les « garçons émotifs » pendant mon concert parisien, ils ne seront pas mal lotis.
Dans la chanson « Mon havre de paix » l’instrumentale à la guitare au tout début, m’a fait penser à « Je t’ai manqué » d’Alain Bashung, c’est un compliment ! Est-ce que c’est fait exprès ?
C’est un joli hasard ? Je respecte beaucoup Alain Bashung mais je ne connais pas cette chanson ! J’irai écouter, merci !
Quels sont les artistes avec lesquels vous rêvez de travailler ? Aussi bien dans le cinéma que dans la musique.
Je suis très gourmande, tout m’intéresse ! Le réalisateur Ozon, ou bien Nicole Garcia.
Dans la chanson, Véronique Sasson, Zazie, Clara Lucciani, Angèle, Ben Mazué. J’aime entendre toute forme de musique. Je n’aimerais pas que la variété et la pop partent. Je veux me battre pour ça.
Est-ce que vous avez déjà des futurs projets de prévu ?
Mon tournage avec TF1, d’autres tournages… Je prépare surtout ma date parisienne. Je ne sais jamais à l’avance quel sera mon planning. C’est aussi ça qui fait que ce métier est génial !
Pour terminer, quel est le conseil ou la valeur que vous souhaitez donner à vos enfants ?
Être soi-même. Je pense que c’est urgent de ne pas se faire lisser ou marcher dessus par la société.
Plus d’infos :
L’album « Le cœur est la locomotive des filles émotives » disponible.