
Avec Vie et Mort du Duquesnoy, Laurent Herrou publie un récit personnel et immersif sur un lieu emblématique. Dans une approche poétique au sexe et à l’amour, l’auteur lève le voile sur un lieu nocturne qu’il a fréquenté pendant quatre ans. Entretien.
Avec Vie et Mort du Duquesnoy, vous introduisez un établissement très sexualisé. Etait-ce là sa seule fonction ?
Sa seule fonction, je ne sais pas. Mais, c’était un lieu pour cela, construit pour cela. Les couloirs, l’obscurité, les glory holes, les étages, les slings ne sont pas très pratiques pour jouer au Scrabble !
C’était également un bar où les gens se retrouvaient au comptoir : on n’y était pas nu à chaque fois. Il y avait des journées et des soirées consacrées à la nudité et au sexe, mais le reste du temps, rien ne vous empêchait de boire sans rien y faire de plus.
Que symbolise-t-il pour vous ?
Le Duquesnoy a été un révélateur de ce que je m’interdisais de vivre, par fidélité, par amour et par lâcheté. Pourtant, les désirs étaient là, il suffisait simplement de pousser la porte d’un bar, de se mettre nu et de les confronter.
Le livre relate le moment où j’ai pris conscience que les besoins de mon corps étaient légitimes, et que je pouvais enfin les entendre, les accepter et les vivre.
Vous assimilez les occupants du Duquesnoy à des numéros ou des surnoms. Cela induit-il une forme de déshumanisation, de bestialité ?
Je m’assimile moi-même au numéro 37, que l’on me donne en me remettant une carte numérotée en guise de consigne pour mes vêtements, lors de ma première entrée au Duquesnoy.
Si certains personnages du livre sont anonymes, d’autres se sont incarnés au fil du récit. En ce sens, je ne crois pas que je déshumanise, ni que j’assimile la sexualité que j’y rencontre à une « bestialité » : elle est plutôt instinctive, elle répond à un besoin.
Vous jouez énormément sur les codes du genre littéraire, ce qui est singulier. Pourquoi ?
Mon écriture est un je(u) : elle fonctionne par association d’idées, par rebondissement d’un mot à l’autre, et en leur découvrant des sens cachés. Ecrire, c’est être libre : sans cela, ça n’a aucun sens.
Que signifie la temporalité de votre récit ?
Le récit couvre quatre années, à la manière d’un journal, pendant lesquelles mes expériences au Duquesnoy ont donné lieu à des questionnements.
Quel sentiment la fermeture du Duquesnoy a-t-il suscité en vous ?
Une tristesse, véritablement. Le jour où je me suis pointé au Duquesnoy et que j’y ai trouvé porte close, je me suis senti perdu dans Bruxelles. C’était un lieu de plaisir, mais c’était surtout un port d’attache.
A-t-elle constitué une forme de deuil ?
Notre vie entière est faite de deuils successifs. Le sexe au Duquesnoy n’était plus possible du fait de cette fermeture, mais le sexe dans un cruising-club est toujours possible. Je n’en ai pas fait le deuil avec cette fermeture.
Finalement, Vie et Mort du Duquesnoy constitue un message ?
C’est un hommage à un lieu très fréquenté par la population bruxelloise, et au-delà. Où des hommes ont été heureux, d’autres satisfaits sexuellement, d’autres certainement déçus et frustrés : un lieu de rencontres, de plaisirs, de joie et d’espoir sans doute. Mais, c’est surtout un espace de liberté.
Plus d’infos :
Plongez dans l’univers d’un établissement emblématique de Bruxelles autour du regard personnel d’un auteur, avec Vie et Mort du Duquesnoy