
Forcé de fuir sa Tunisie natale en 2007 après des menaces de mort, Fahed Maaouia a voyagé à travers le monde pour trouver un pays où il pourrait vivre ouvertement sa sexualité.
Article de KET Magazine traduit depuis l’anglais
Après avoir vécu à Dubaï, Paris, Londres et aux Pays-Bas, il choisit finalement de s’installer à Bruxelles. Autour d’un café et de cigarettes, il a accepté de partager quelques souvenirs douloureux.
Bonjour, Fahed. Vous avez grandi et vécu en Tunisie comme un homme gay pendant 25 ans. Quand avez-vous pris conscience de ton orientation sexuelle et comment le viviez-vous à l’époque ?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours su que j’étais gay. Dans mes centres d’intérêts, mon comportement et mes pensées, je me suis toujours senti différent des autres garçons de mon âge. Au collège, mon attirance pour les hommes était évidente. Je n’avais pas de petite amie. A ce moment, ma famille a rapidement eu des doutes sur mon orientation.
La société Tunisienne est particulièrement homophobe. Il y avait un risque persistant d’être insulté, agressé ou arrêté par la police. Et, il n’y avait aucun moyen de résister depuis que l’article 230 de la constitution Tunisienne condamne fermement l’homosexualité.
Qu’est-ce qui vous a finalement forcé à quitter ton pays ?
J’ai décidé de fuir [la Tunisie] en 2007 après un énième incident. Mon frère avait demandé à un de ses amis de m’agresser et de tourner une vidéo pendant un rapport sexuel.
Ils m’ont tous les deux fait chanter, usant de la vidéo pour m’extorquer de l’argent. C’en était trop. J’ai donc décidé de partir et de ne jamais revenir.
Vous avez ensuite déménagé à Dubaï, où tu es resté pendant quelques années. Là, étiez-vous plus en sécurité ?
Ce n’était définitivement pas le meilleur choix que j’ai pu faire, mais c’était ma seule option à l’époque comme j’avais un travail là-bas. Dubaï est gouverné par la charia et l’homosexualité est considérée comme un crime. Les gays doivent vivre leur sexualité en secret et être extrêmement prudents.
La seule manière de rencontrer des personnes se fait grâce à des applis comme Grindr. C’est très stressant parce que des policiers se cachent derrière de faux profils. Certains de mes amis se sont fait arrêtés et expulsés après avoir été pris en flagrant délit, en ligne. C’était encore difficile mais, au moins, j’étais indépendant.
Qu’est-ce qui vous a amené à demander l’asile à Bruxelles ?
Je suis venu à Bruxelles en 2016 pour assister à La Démence. J’y ai trouvé un véritable sens de la communauté. Je me suis immédiatement senti libre et en sécurité, ce qui était tout nouveau pour moi. J’ai ensuite rencontré un homme et nous nous sommes mariés un an plus tard. Comme le mariage durait, je suis revenu à Bruxelles et j’ai demandé l’asile en août dernier.
Ma demande d’asile est encore en cours de validation mais mes relations avec les autorités se passent bien. La Belgique semble très accueillante pour les demandeurs d’asile LGBTQI+, même s’il reste encore des progrès à faire. Il m’arrive parfois de me sentir en danger dans la rue, mais cela reste un détail tant que je n’ai plus à me cacher [aujourd’hui].
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