Claudius Pan, un homme aux tatouages d’histoire

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Écrivain, comédien, modèle, utopiste, bohémien, fée… Pris entre la civilisation et la nature, Claudius Pan se construit au travers de ses expériences avec le monde qui l’entoure, qu’il soit humain ou naturel. En son être et ses tatouages se trouve l’essence de son histoire pour laquelle il se livre aujourd’hui.

Vous possédez beaucoup de tatouages sur votre corps. Est-ce une manière de représenter qui vous êtes, Claudius Pan ?

Les tatouages ont toujours été pour moi un moyen direct de montrer qui je suis, au plus profond. Comme si mon âme se dévoilait sur ma peau, avec les années. Je réfléchis toujours beaucoup à l’emplacement, aux énergies, à ce que cela crée comme apparition dans le monde. Comme un corps modifié, les tatouages sont aussi une parole, un message instantané. 

Les tatouages sur mon visage sont également une façon de me ré-approprier la marginalité et la violence de cet acte qui est un peu devenu effet de mode. Une manière de s’enlever des privilèges en se retirant d’une norme liberticide. En somme, la vie doit être un voyage, mes tatouages sont la marque de ces odyssées.

Vos profils Facebook et Instagram sont-ils à l’image qui vous êtes au quotidien ou n’est-ce qu’une partie ?

J’ai un rapport extrêmement conflictuel avec les réseaux. De fait, je m’y raccorde par mon nom de fée, d’artiste. Ce n’est pas vraiment moi, mais une projection construite, tout comme les milliards de profils. 

Mon avatar est d’autant plus marqué par le fait qu’il est présenté sous mon pseudonyme. Rien de mon véritable nom ne se trouve sur internet. J’aime croire que cela protège mon esprit du monde algorithmique qui est de plus en plus dévorant. La réalité se diffracte petit à petit. 

Il vous arrive de sourire sur les photos. Est-ce une manière d’apporter de la gaieté, de la magie (en référence à l’essence de votre livre Carpe Noctem) ?

Beaucoup de personnes se servent des réseaux comme d’un Grindr plus modéré. Et la mode, la drague, est aux mecs très masculins qui tirent la tronche pour prétendre à une animalité, de pacotille. Alors oui, j’aime sourire comme je souris dans la vie. 

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À l’époque où je faisais encore défiler les flux et profils sous mes doigts, je n’avais droit qu’à des personnes aux moues et poses similaires. Une norme de présentation s’applique au monde virtuel. Je me suis fait prendre dans ce jeu-là aussi. Alors je me suis mis à sourire. Encore un moyen pour moi de conjurer le numérique j’imagine.

Vous alternez les tenues masculines et féminines sur certaines de vos photos. Par cela, entendez-vous ébranler les codes ? 

Ce n’est pas du tout réfléchi de ma part. Ça a pu l’être quand j’étais plus jeune, comme un affront. Mais désormais je suis arrivé à un tel état de dé-construction qu’il est impossible pour moi de voir un vêtement genré de façon binaire. C’est un textile, point barre. Si une robe me plait et qu’il fait chaud alors j’ai ma tenue, si je pars en randonnées dans les ronces, alors ce sera un jean.

Claudius Pan

Alors que vous ne pensiez pas cela possible, vous avez finalement sorti votre métrage Absolu, au lendemain du premier confinement. Pourquoi ce changement soudain en cours de route ?

Absolu était un film prémonitoire, devenu actuel. Il parle de la fin d’un monde, de façon poétique et mystique. Les personnages tentent, chacun.e, de se raccrocher à ce qu’ils peuvent, ou de lâcher prise avec poésie. Le film commence avec ces paroles « Dans quelques mois, quelques semaines, tout ce que vous voyez, connaissez, aimez, cessera d’être. »

Le sortir avant cet effondrement aurait été prématuré. Le début de cette crise sanitaire était la porte d’entrée parfaite. C’est un film onirique qui demande une attention particulière. Le confinement à ramener l’étrange dans nos vies, et c’est ce qu’il fallait pour accueillir ce film-rituel. Il fallait que nos conceptions fondées s’effritent un peu plus pour laisser s’échapper cette parole. 

Je ne savais pas vraiment quoi en faire, je voulais le laisser dans l’obscurité de ma vie jusqu’à ma mort, puis l’ombre s’est abattue sur le monde entier ; j’ai senti que c’était le bon moment pour l’offrir.

La vie est-elle donc un aller-retour constant entre les sentiers naturels et la civilisation ?

Oui. J’essaie d’avoir un équilibre qui me convient. Je suis tout de même en train de me re-diriger vers une vie plus proche des sentiers naturels. Je pense que ces allers-retours sont importants, le sauvage réveille en nous le naturel, la civilisation déguise ce naturel. Si on ne prend pas conscience de cette mascarade, alors on perd nos propres sentiers naturels internes.

En conséquence, 2021 sera-t-elle meilleure que l’année précédente ? 

Je ne suis pas sûr de vouloir segmenter la suite par année. Nous sommes, à mes yeux, à la fin d’un cycle, encore en période de transition avant d’entamer un nouveau mouvement. Zone de brouillard d’où naîtront forcément de beaux phares.

Nous avons construit nos imaginaires autour de scénarios catastrophes, de romans dystopique, de films apocalyptiques. Aujourd’hui, nous y sommes. Nous surveillons nos pensées à la Big Brother, l’effondrement climatique va apporter son lot de catastrophes, la crise économique est aux abois.

L’imaginaire matérialise la réalité. Avant de créer un monde, il faut le penser. Les artistes, les poètes, les penseurs, tout le monde doit se créer un imaginaire autre pour convoquer des vies plus lumineuses et sensées. C’est une lutte spirituelle qui nous attend. Nous devons nous concentrer sur le genre de monde que nous voulons construire au sein du chaos qui continue de s’agrandir. En redevenant conteurs d’un monde espéré nous nous dirigerons vers celui-ci.

Questions express à Claudius Pan : 

Comment se déroule une journée-type pour vous ?

J’ai une grande rigueur envers moi-même. N’ayant pas de structure autour de moi, pas de patron… J’essaie de créer chaque jour. D’écrire, peindre, composer de la musique… Je me force à faire face au vide (même si anges et démons squattent ces espaces abandonnés). 

Je fais beaucoup de sport aussi, c’est une manière de garder mon esprit clair. En ce moment, je lutte pour garder mon esprit apaisé. Ma journée type se résume, en somme, à chuter dans mes abîmes et à me repêcher tant bien que mal.

Le tatouage est-il l’unique élément qui te démarque ou y a-t-il une autre facette de ton corps ou de ta personnalité qui fait la différence ?

Je pense que ma personnalité en elle-même fait la différence, comme tout un chacun.e. La norme est une illusion, une pression capitaliste pour structurer nos vies. 

Quel est votre passe-temps favori ?

 Me promener nu dans les bois et me perdre dans mon imagination, retrouver l’innocence de l’enfance. Tout émerge de cet état de grâce. A raison, nous passons notre vie d’adulte à retrouver la pureté et l’émerveillement de l’enfance. 

Comment vous voyez-vous dans dix ans ?

J’ai arrêté de vouloir me voir dans un futur lointain. Je veux rencontrer cet homme et me laisser surprendre par lui, ses choix, ses désirs, sa vie, ses rêves. 

Plus on vieillit, plus les surprises se font rares. Je pense que les plus grandes surprises sommeillent en nos cœurs, alors je ne veux pas les avorter.

Claudius Pan en quelques mots : 

Toujours prêt à prêter son image à la cause LGBTQI+, Claudius a participé à des projets audiovisuels, parmi lesquels Down in Paris, Les Engagés ou encore Projet Pieuvre. Dans le contexte de la pandémie, le jeune artiste a sorti deux films, X comme Amour et Absolu. Au niveau littéraire, il écrit actuellement la suite de Carpe Noctem, Les Grands Vivants. L’histoire va propulser le lecteur de 1990 à 2059, une sortie est envisagée cette année … ou un peu plus tard. En parallèle, l’écrivain s’implique dans un roman illustré “à sa sauce” pour grands enfants.

Le message de Claudius Pan aux lecteurs de Garçon Magazine : 

“Laissez tomber vos portables et retrouvez la beauté de cette vie qui nous échappe tant en ce moment. Cette crise sanitaire nous a tous.tes poussés à vivre nos vies au travers de ces lucarnes numériques. Si nous n’agissons pas, chaque recoin de notre réalité sera grignoté par le numérique. Nous serons tous.tes les propres personnages de nos sitcoms. Mais la fiction a besoin de réel pour exister. Protégez la magie de vos consciences. Vous êtes plus intéressants sans votre portable dans votre poche et le coeur ouvert à l’existence.”

Plus d’infos : 

Retrouvez l’univers de Claudius Pan sur ses réseaux sociaux Facebook, Instagram et YouTube.

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