Il a fui son « foyer » avec la seule envie d’échapper à la mort. Le premier réfugié homosexuel tchétchène en France est arrivé sur le territoire lundi lors de la visite de Vladimir Poutine à Versailles. Interviewé par l’émission Quotidien, diffusé hier, il reste anonyme. Le « motif » de son arrestation ? Son numéro de téléphone qui figurait dans le carnet d’adresse d’un homme qui « faisait partie de la même communauté homosexuelle ».
Propos recueillis sur L’Obs
« C’est la pratique habituelle des services spéciaux tchétchènes »
Convoqué par la police, il s’est vu passer les menottes.
Il est ensuite emmené en voiture dans ce qui ressemblait à « une forteresse », pas un poste de police ordinaire mais « plutôt une sorte de fort militaire ». Sa seule échappatoire, faire croire qu’il a des intentions terroriste. Feinter d’être un danger était pour lui la seule solution.
« Je voulais à tout prix éviter toute conversation au sujet de l’homosexualité. »
Pourquoi préférer passer pour terroriste que pour homosexuel ?
« Parce que comme ça, ma famille m’aurait soutenu ; si tu es accusé d’être gay, c’est pas seulement toi qui es responsable, c’est toute ta famille. »
« Ils battent et ils torturent ceux qui sont pris en flagrant délit, en plein acte sexuel, et aussi ceux qui ont des photos intimes sur leur téléphone. »
« Dans certains appartements de Grozny, les propriétaires installent des caméras et des micros, pas seulement pour attraper des homosexuels, mais aussi les hétéros qui ont des relations hors mariage. Lorsqu’un couple était pris, ils cassaient les portes et ils entraient. »
Le réfugié n’a pas de nouvelles de l’ami dont le carnet d’adresses avait été saisi, malgré ses recherches :
« Et je connaissais d’autres gens qui ont disparu. »
Des personnes dont il savait qu’elles étaient gays, qui ont subitement disparu et ne sont jamais revenues au travail – il pense qu’elles sont mortes.
« Couvert de honte son pays » : la mort pour ses frères
Interrogé sur sa volonté de ne pas apparaître à l’écran (même sa voix est modifiée), il souligne que c’est surtout pour sa famille. Sa mère serait humiliée et ses frères « seront tués à coup sûr si on apprend que je suis en France, si on apprend que j’ai parlé aux journalistes », parce qu’il sera accusé d’avoir « couvert de honte son pays ».
Pense-t-il pouvoir rentrer un jour en Tchétchénie ? « Seulement si elle fait partie des Etats-Unis d’Amérique », ironise-t-il. En fin d’interview, on apprend qu’un des mots de français qu’il a déjà appris est « liberté ».