Pologne : Pour vivre heureux faut-il vivre caché ?

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La Pologne fêtera demain, samedi 3 juin la Gay Pride pour la 17e fois de son histoire. C’est un événement important pour la communauté LGBT polonaise, non pas par la taille de la manifestation, mais bien pour sa portée politique. La manifestation principale aura lieu dans la capitale, Varsovie. Une portée politique, car d’après une récente étude, la Pologne fait partie des pays les plus homophobes d’Europe. Décryptage.

 

Qui a le droit, le droit de faire ça ?

L’étude en question a été réalisée par l’institut ILGA-Europe, et la Pologne remporte haut la main, la tête du classement concernant l’égalité des droits et de la liberté des non-hétérosexuels. Que de gloire à avoir, dans ce pays où il n’y a pas de législation qui protège les personnes LGBT face aux discriminations, hors emploi. La précision est importante, car la seule loi qui protège la communauté LGBT, a été mise en place lors de la rentrée de la Pologne dans l’Union Européenne, en 2004, et concerne le domaine du travail. La loi interdit toute sorte de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans le monde du travail. Bien entendu, l’union de deux personnes du même sexe n’est pas légale. En 2015, le Parlement a rejeté un projet sur l’union civile, refusant même de se pencher sur la question. Même topo pour l’adoption entre couples homosexuels.

Pour ce qui est des discours de haine ou crimes contre la communauté LGBT, le gouvernement polonais fait la sourde oreille. Les autorités diffusent de faux chiffres sur les crimes perpétués contre les homosexuels et minimise la chose. Selon un rapport de 2015, produit par Amnesty Internationale « Target by hatred, forgetten by law », face aux crimes non reconnus par la loi, le gouvernement ne semble pas vouloir élaborer de politique pour prévenir, résoudre ou poursuivre les responsables de crimes homophobes.

 

Des revendications politisées.

La Gay Pride qui a lieu dans la capitale du pays, Varsovie, est également appelée « parade de l’égalité ». Elle rassemble chaque année près de 2000 personnes pour lutter et défendre les droits des homosexuels, pas encore totalement acquis au sein de ce pays européen. La Gay Pride polonaise rassemble certes beaucoup moins de monde que sa cousine parisienne, mais les enjeux et l’ambiance diffèrent largement selon l’un des organisateurs, Kelly Gaillard. La manifestation polonaise est plus politisée. En France, c’est l’occasion de certes faire passer des messages essentiels et continuer la lutte vers l’acceptation, mais dans une ambiance festive. A contrario, en Pologne la Gay Pride est largement moins festive, par souci de conserver une bonne image et de faire passer les messages de lutte contre la discrimination, selon Kelly Gaillard. De plus, la manifestation est très sécurisée et ce, depuis son interdiction entre 2004 et 2011, à cause du maire Lech Kaczynski.

Une évolution à vent contraire.

Actuellement, la moitié de la population polonaise voit les homosexuels et plus généralement la communauté LGBT d’une manière négative. Cette population se divise en deux groupes : d’un côté ceux qui pensent que les homosexuels ne sont pas vraiment discriminés et que s’ils vivent de mauvaises expériences, ils en sont responsables. De l’autre, les moralisateurs qui pensent qu’être homosexuel est un péché. La Pologne fait donc face à la division de sa société sur la question homosexuelle. La jeune génération, reste plus ouverte à la question, mais la frange conservatrice représente une plus grande majorité. Et la nomination en 2015, d’un gouvernement PiS accentue encore plus la fracture déjà existante. Depuis la mise en place de ce nouveau gouvernement, les langues se délient et les propos homophobes et d’incitation à la haine envers la communauté LGBT sont monnaie courante, sachant qu’aucune sanction n’est mise en place.

Face à si peu de soutien de la part du gouvernement, les membres de la communauté LGBT ne perdent pas espoir et restent positif pour l’avenir des homosexuels en Pologne, notamment grâce au soutien de la communauté catholique progressiste qui est pour le mariage pour tous, et qui marque un signe d’espoir pour faire reconnaître des droits fondamentaux à des citoyens polonais.