Vous connaissez les Drag Queens mais connaissez-vous les Drag Kings ?
Drag King, c’est un terme qui désigne une personne qui se produit sur scène drag habillée en homme. Même si l’androgynie est mise en scène depuis fort longtemps, les Drag Kings restent malheureusement méconnus et surtout sous-estimés. Les amateurs de shows de Drag Queens, proposés régulièrement à la télévision, n’en n’ont parfois jamais entendu parler.
Il est grand temps que cela change.
Voici donc en exclusivité, l’interview de Jeffrey Scary !
Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots…
Jeffrey Scary est le pendant masculin de la très féminine, bien qu’un peu spéciale, Fatale Redvenom. Créé lors des ateliers Drag Kings de Louise-Louis de Ville, c’est un vrai mâle dominant ! Il adore se métamorphoser selon ses inspirations, c’est un caméléon. Il aime surprendre et n’être jamais là où on l’attend.…. Iel se cherche en genderfluid, s’aime en queer, et s’amuse à switcher entre les extrêmes des genres. Son credo : être soi et refuser les étiquettes.
Jeffrey est le concepteur des cabarets King et Queen “Drag My King” à Paris depuis 2016 au Cantada Bar Rock, et depuis septembre 2019, au Klub et aux Voûtes.
Comment avez- vous découvert l’art du Drag ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dedans ? Un show, une personne, une soirée, une musique…
J’ai découvert mon Drag en 2013 à l’occasion des ateliers de Louis de Ville « be a man for a night « .
Vous rappelez-vous de vôtre toute première fois en Drag ? Comment vous êtes-vous senti.e ?
Je me suis kingué pour la première fois à cet atelier. J’ai toujours été fan de costumes et de transformations depuis l’enfance ainsi que d’autres façons de me cacher, de tromper l’ennemi, de faire en sorte de ne pas être démystifié.e. J’ai ressenti une excitation, une sensation de puissance très particulière. Un sentiment de maîtrise de mon image, d’être enfin MOI.
Pas un homme ou une femme mais entre les deux. Ce que je veux quand je veux.
Une anecdote à nous raconter sur vos débuts ?
J’ai trouvé assez désagréable de se coller des poils sur le visage. J’ai découvert à cette occasion que j’avais suffisamment de duvet, invisible en temps normal, pour pouvoir me passer de cette routine barbare qui fait qu’on bouffe du poil toute la soirée. Parce qu’en parlant, on bouge les lèvres, les poils se détachent et tombent dans la bouche. On en crache régulièrement ou on en dépose sur les joues des gens qu’on embrasse. Je brosse donc mes duvets lèvres et côtés du visage avec du mascara et mes vrais poils virils apparaissent. C’est d’une grande satisfaction !
Comment avez-vous trouvé votre alter-go Jeffrey Scary ? Y a-t-il une histoire ou une anecdote derrière ?
J’aime les jeux de mots, et aussi les jeux de mots pourris. Jeffrey est venu naturellement parce que mon king était très british à la base, inspiré de Alex dans Orange Mécanique et un mélange de dandy. Scary parce que l’univers horrifique me plaît et que j’aime faire peur. Jeffrey : j’effraie. Scary : effrayant
Jeffrey n’en a rien à faire d’être séduisant, il est juste lui et si ça ne plaît pas, ce n’est pas grave. Ce n’est pas son problème ! (rires)
Ce qui redouble mon image effrayante c’est ma facette féminine séductrice qui est complètement à l’opposé de Jeffrey. Je vais vous en parler tout de suite !
Vous avez un autre nom, Fatale Redvenom, qui est-ce ?
Fatale Redvenom est mon personnage burlesque créé en 2009, quand j’ai commencé le burlesque. Je voulais incarner une femme Fatale et dangereuse. Une mangeuse d’hommes (et/ou de femmes) terriblement séduisante et prédatrice. Dominatrice mais très féminine. Jeffrey est à l’opposé : extrêmement couillu et viril, caricaturalement macho.
Comment faites vous pour concilier vos différents personnages ?
Les deux font intimement partie de moi, Claudine. Quand c’est nécessaire ou quand la scène le demande, c’est Fatale ou Jeffrey qui apparaît. Cependant, depuis quelques mois, ils apparaissent conjointement car le sentiment de queerness s’est fait sentir plus fortement et le genderfuck également.
Je revendique d’être queer, non-binaire, genderfuck et genderfluid. Je suis moi-même et rien d’autre.
Fatale, Jeffrey, Claudine quand ça me chante. J’ai créé un numéro, Double Trouble, montrant le flou qui existe dans la réunion des genres masculin et féminin, ce qui me convient parfaitement !
Vous avez ouvert un Cabaret « Drag My King » pouvez vous nous en parler ?
Drag My King est né en 2016 après avoir créé un groupe de kings sur Facebook. J’ai soulevé le problème qu’il n’y avait aucune scène, aucun espace scénique pour nous les Kings alors que les Queens jouissaient déjà, depuis de nombreuses années, de visibilité. J’ai donc créé Drag My King, le nom a été trouvé et voté démocratiquement par le groupe.
C’est à La Cantada, un bar métal alternatif à Ménilmontant, tenu par un ancien punk, Mickey, qui adore les trucs atypiques et anticonformistes. Grâce à lui, on a joué de 2016 à 2019. Et donc, le 13 Mai aux Voûtes, ce sera le n°19 !
Un mot pour la fin ?
Je cherche encore et toujours à créer de la visibilité pour notre communauté. Nous sommes de plus en plus nombreux.ses ! 463 kings en France en avril 2022, contre une vingtaine en 2013. Il faut continuer à se battre et se mobiliser, car on est clairement en minorité. Quand on pose la question à des gens dans la rue « c’est quoi un drag king ? ».
Sept personnes sur dix comprennent Drag Queen, et il faut expliquer encore et toujours.
On ne lâche pas le combat. Nous sommes très engagé.e.s dans nos performances pour dénoncer des abus sociétaux, les injonctions faites aux femmes, évidemment confrontées au patriarcat beaucoup trop omniprésent encore. C’est en se montrant avec humour, causticité et dérision qu’on sera toujours mieux entendu.e.s. Mais y’a du boulot….
Pour plus d’articles sur l’art du Drag : ici !