POPPY FIELD : La réalité d’un monde en désillusion !

...
Cristi

Un film réalisé par Eugène Jebeleanu et scénarisé par Ioana Moraru.

Hadi et Cris dans la salle de bain

Anecdote

Le réalisateur à appeler Poppy field, car la disposition des sièges de la salle de cinéma ( où ont été tourné les trois quarts du film) lui fait penser à un champ de coquelicot.

Synopsis

Cristi est un policier roumain au service d’une institution publique encore très machiste. Il doit cacher au quotidien son homosexualité à ses collègues. Le jour où son petit ami français vient lui rendre visite pour quelques jours, Cristi est appelé pour une intervention dans une salle de cinéma où un groupuscule ultranationaliste sabote la projection d’un film queer. Lorsque l’un des spectateurs gays le reconnait et menace de révéler son secret, Cristi craint de perdre le contrôle de sa vie…

Cristi vit l’homophobie intériorisée. Sa lutte et son combat avec lui-même, avec ses propres peurs, ses propres rejets et ses propres phobies, fondés par l’éducation que l’on reçoit en Roumanie. C’est un être empêché, on perçoit les différences culturelles. Son petit ami qui est lui est français, musulman essaie de lui faire entendre raison, mais il vit avec la culpabilité permanente d’être homosexuel, il s’autocensure. Finalement, ses collègues se moquent peu de savoir qu’il est gay. Cristi, dans un acte de colère, se fait rappeler à l’ordre par ses co-équipiers.  Ils s’inquiètent pour l’image que renvoie la gendarmerie aux yeux de la population. Pour qu’il ne se fasse pas blâmer par sa hiérarchie, ses collègues dissimulent la vérité pour le protéger.

Pour sa première expérience cinématographique, Eugene Jebeleanu, nous plonge entre réalité et désillusion. La souffrance d’une communauté, pour un pays qui reste encore socialement conservateur concernant les droits LGBT.

Ce que ressent Cristi dans cet ouvrage on l’a tous ressenti lors de notre enfance, adolescence ou bien le jour de notre coming-out. La peur d’être jugé, rejeté, suivre un chemin dit classique, être vus comme un être atypique et finalement se fondre dans un moule pour satisfaire autrui. Se préoccuper de son apparence ou au contraire s’en désintéresser reste un diktat imposé par la société, en Roumanie, en France, ailleurs… Nous sommes égaux et rencontrons les mêmes problématiques.

Sorties dans les salles  le 28 septembre 2022, si vous aimez les films inspirés de faits réels, intimistes et politiques, vous ne serez pas déçues.

Hadi et Cris dans le lit
Cris seule dans la salle de théâtre
Cris dans le fourgon pensif

Selon les dires de EUGENE JEBELEANU: Une entrevue en toute intimité.

Photographie d'Eugène Jebeleanu
Crédit : Adi Bulboaca

Vous êtes un metteur en scène de théâtre expérimenté, Poppy Field est votre première expérience cinématographique. Pourquoi avoir choisi ce sujet, au carrefour du politique et de l’intime, pour votre premier film ?

En 2013, un raid d’ultra-conservateurs avait interrompu une séance de The Kids are All Right
de Lisa Cholodenko dans un cinéma de Bucarest, juste parce que le film raconte l’histoire d’un couple lesbien. En 2018, le film de Robin Campillo 120 Battements par Minutes a également déclenché des assauts d’extrémistes religieux, il m’était difficile de rester sans réaction. Depuis plus de dix ans, je m’intéresse aux problématiques LGBT dans la
société roumaine à travers mes pièces de théâtre. Même si je n’avais jamais réalisé et que j’avais peur de pas avoir les codes, le vocabulaire, en lisant le scénario, ça a été comme une évidence, je devais faire ce film. J’ai repensé aux nombreux homosexuels roumains menant une double vie que j’avais rencontrés. J’ai ressenti une responsabilité
civique, presque politique, de faire ce film, d’autant plus qu’il est inspiré de faits réels que je ne pouvais
plus ignorer.

La manifestation homophobe que le film met en scène est-elle représentative de la manière dont la communauté LGBT est traitée dans la société roumaine en général ?
Même si la Roumanie progresse dans le sens de la tolérance, il ne faut pas oublier que la
dépénalisation de l’homosexualité en Roumanie ne date que de 2001. C’est encore un sujet tabou,
absent de l’éducation, que ce soit à l’école ou dans la famille. L’église orthodoxe a encore un poids
considérable, elle mène différents combats en faveur de la famille traditionnelle. Par exemple, en 2018, un référendum a été proposé pour changer la constitution, afin de préciser que la famille ne pouvait être qu’une union entre un homme et une femme. Heureusement, le référendum n’est pas passé, depuis on commence à parler un peu plus des problématiques de la communauté LGBT. On avance, mais à tout petits pas.

« J’ai ressenti une responsabilité civique, presque politique, de faire ce film… »

Le morceau de bravoure est une longue scène, dans laquelle vous nous enfermez, aux côtés de Cristi, dans la salle de cinéma occupée par les manifestants. Qu’avez-vous gardé du théâtre pour la mise en scène de cette séquence ?
J’ai eu la chance de travailler avec Marius Panduru, le chef opérateur qui a notamment collaboré avec Radu June (ndlr : Bad Luck Banging and Looney Porn, Ours d’or au dernier Festival de Berlin). Grâce à lui, je me suis senti en confiance. Il m’a tout de suite conseillé de ne rien changer à ma manière de travailler au théâtre, tout en étant conscient de la
caméra, comme si le public était là à 360°. Fort de ce conseil, j’ai beaucoup répété avec les acteurs, environ pendant quatre mois, pour mettre en espace chaque séquence. À la fin, Marius nous a rejoints pour travailler ensemble le découpage et décider de la place de la caméra. Nous avons choisi de tourner en pellicule 16 mm pour donner du contraste et de la profondeur à l’image. On a aussi très vite su qu’on voulait une caméra à l’épaule, comme une
sorte de témoin qui suit Cristi pendant 24 heures, et des longs plans-séquence pour se rapprocher du documentaire, presque comme s’il n’y avait pas de montage. On s’est beaucoup inspirés des images de la manifestation réelle, et on voulait retrouver la même tension.

La tension vient aussi du fait que l’on assiste à lascène à travers les yeux de Cristi, qui est d’une certaine manière « undercover ».
Oui, j’ai voulu mettre en espace l’enfermement qu’il vit à l’intérieur, par la manière dont on le filme, dont on le suit, dont on le perd parfois dans la foule, et ses moments de silence quand il regarde les autres. Je trouve d’ailleurs Conrad Mericoffer particulièrement impressionnant dans ces silences, dans les moments où le personnage encaisse.

« La dépénalisation de l’homosexualité en Roumanie ne date que de 2001… »

Comment l’avez-vous choisi pour interpréter Cristi ?
Je le connais depuis très longtemps, on était ensemble à l’école de Bucarest. Je l’avais un peu perdu de vue, mais quand on cherchait un acteur pour le film, j’ai repensé à lui. Il est venu en audition et je l’ai trouvé formidable. Pour moi, c’est l’un des meilleurs acteurs roumains de sa génération, parce qu’il est extrêmement touchant, avec son regard trouble qui cache un intérieur chargé, et en même temps très net, juste, dans sa manière de parler. Il joue sans pathos. Je ne voulais pas que sous prétexte que le personnage est homosexuel, ce soit un « rôle de composition ». Avec Conrad, on s’est posé plein de questions sur la vie intime de Cristi, mais on n’a jamais parlé de son orientation sexuelle
en tant que telle. L’homosexualité n’est pas un job. Ou alors il faudrait se poser la question de comment jouer un hétérosexuel, non ?

Après ce premier film, votre prochain projet serat-il pour le théâtre ou pour le cinéma ?
J’ai une histoire en tête, inspirée de mon enfance et de mon adolescence, durant laquelle j’ai fait de la danse sportive et vécu la pression d’être dans les compétitions sportives de haut niveau. J’ai envie
de m’emparer du sujet de la performance chez les jeunes et de la pression pour gagner l’amour et la fierté des parents. Ce sera d’abord un seul en scène au théâtre, et j’espère ensuite en faire un film, pour raconter les choses sous une autre facette, d’une façon plus fictionnelle. J’aime l’idée d’aborder un même sujet à travers plusieurs disciplines.


Affiche du film Poppy Field

Plus d’information sur www.optimale-distribution.fr